Mais qui est donc ce Daniel Wellington dont la Toile bruisse tant depuis près de cinq ans ? Derrière ce nom très britannique se cache un homme d’affaires suédois qui, sous couvert de lancer gentiment sa propre griffe de garde-temps, s’est payé le luxe de bousculer le petit monde de l’horlogerie. Je vous présente aujourd’hui l’objet du délit : une montre au design classique, épuré, montée sur un bracelet en tissu coloré ou en cuir élégant, que les blogueurs mode de la planète ont rapidement érigée en best seller. Explications.
Des montres qui affolent les cadrans
Une collection de quelques dizaines de montres. Des prix abordables. Des cadrans au design épuré montés sur un bracelet peu épais – pour conserver toute sa légèreté au poignet. Une marque rapidement devenue synonyme d’élégance, parfait mélange d’une esthétique extrêmement classique et d’un style affirmé, le tout mis en valeur par le biais d’une communication tout à fait moderne, basée sur l’expression de la communauté du web.
Vous voyez de quoi – de qui – je parle ? Impossible d’échapper au phénomène incarné par Daniel Wellington et ses garde-temps intemporels. Non seulement c’est la montre qu’il faut porter aujourd’hui quand on est blogueur mode ou animateur d’un compte Instagram ; mais c’est aussi la montre qu’on peut, par excellence, trimballer partout, pour toutes les occasions, de la plus raffinée à la plus frivole. Daniel est le parfait compagnon dans toutes les circonstances.
Mais qui est Daniel Wellington ?
Reste à savoir qui se dissimule derrière ce nom très british : en réalité, un homme d’affaires suédois, Filip Tysander. Celui-ci raconte les origines de son idée sur le site officiel de la marque : c’est en 2006, à l’occasion d’un séjour en Australie, que le jeune homme rencontre un personnage étonnant, un « intrigant gentleman », comme il est si bien précisé sur la page dédiée du site, au style « impeccable mais sans prétention ». Au poignet, l’homme porte une Rolex Submariner sur un bracelet NATO usé (on y reviendra), surprenant mélange des genres qui semble renforcer, plutôt que compromettre, la distinction rare du bonhomme. Son nom ? Vous l’aurez sans doute deviné : Daniel Wellington.
De retour en Suède, Tysander s’inspire de cette rencontre pour lancer sa propre ligne de montres, sur une base à la fois minimaliste et raffinée. Son idée est de réunir l’épure esthétique typiquement scandinave et le flegme britannique façon James Bond. Le projet se concrétise en 2011, avec le lancement de la première gamme des garde-temps imaginés par Tysander.
L’histoire ne dit pas ce qu’il est advenu de Daniel Wellington. Est-il rentré chez lui jouer au cricket ? Oublie-t-il parfois l’heure du thé (sacrilège) ? Ou n’a-t-il jamais existé ailleurs que dans le storytelling brillant de la marque ? Peu importe. Ce qui compte, c’est que ce récit convoque un imaginaire pointu, édifié autour de références esthétiques tangibles et d’un style qui, a lui seul, donne toute sa force à la marque.
Une affaire de composition
Autant le dire, c’est ce que j’aime avec Wellington : la rencontre de deux styles opposés, le classique et l’excentrique. D’un côté, nous avons le cadran : épais (les modèles de base font 40 mm, ils seront réduits par la suite pour intégrer une clientèle féminine), épuré, parfaitement circulaire, minimaliste dans la meilleure acception du terme, remontoir à 3 heures, finition exceptionnelle, avec au choix, selon les modèles, des chiffres romains, des traits délicats ou des cristaux.
De l’autre, nous avons le bracelet façon NATO, en nylon tressé, avec son style inimitable et ses bandes colorées. Pour rappel, le bracelet NATO convoque un imaginaire militaire : il était porté par les membres de l’armée britannique dans les années 70, avec des spécificités instamment exigées par le gouvernement – nylon tressé d’une pièce, résistance renforcée. Pourquoi NATO ? Parce que c’est l’acronyme anglo-saxon de… l’OTAN !
Depuis 2011, au fil des collections, la marque a intégré des bracelets plus classiques, en cuir brun ou noir, avec boucle plaquée argent ou or rosé, notamment pour les modèles Dapper (référence à la série Mad Men et à son personnage principal, Don Draper, chantre du chic). Le fait est que ces bracelets sont interchangeables : il est possible d’opter, un jour, pour le cuir élégant, et le lendemain pour le bracelet trois couleurs en nylon. En substance, je fais ce que je veux, laissant à la montre l’opportunité de se personnaliser, de devenir unique à mes yeux.
Une stratégie digitale d’une précision mécanique
La qualité des montres Daniel Wellington est une chose, mais elle ne peut pas expliquer à elle seule l’immense notoriété dont jouit la marque à travers le monde, une notoriété construite en seulement cinq années. Il faut, pour comprendre cela, aller regarder du côté de la stratégie commerciale conçue par les équipes de Tysander : s’appuyer sur les réseaux sociaux pour séduire les internautes.
Il faut savoir que Filip Tysander, le fondateur de Daniel Wellington, a quasiment banni de son champ d’action les médias traditionnels et les canaux publicitaires habituels. Pas de publicité sur les télévisions et les radios, dans les magazines et les journaux ; pas de bannière sur les sites web ; pas d’interviews aux médias conventionnels. Tysander ne s’adresse presque qu’à des blogueurs et des sites indépendants spécialisés dans la mode et les montres.
Le succès de Daniel Wellington découle donc de deux axes de communication entremêlés : assurer une présence massive sur les réseaux sociaux (430 000 fans sur la page Facebook, 24 000 followers sur Twitter) et se faire connaître auprès des blogueurs et des influenceurs du web en général, pour qu’ils participent eux-mêmes à la stratégie digitale de la marque. Instagram est la pierre de voûte de cette stratégie : ses 2 millions d’abonnés (plus que Rolex et Swatch réunis), elle les abreuve de clichés pris par les internautes et repris à son compte, sur le principe du User Generated Content (le contenu produit par l’utilisateur).
De sorte que toute une communauté de Wellington Fans s’est agrégée autour de la marque, via des opérations digitales intelligentes (envoyer des montres aux blogueurs pour qu’ils en parlent ou qu’ils partagent des photos), des jeux concours et des partenariats. Les générations Y et Z ne s’y trompent pas. Et la marque non plus, qui voit se rediriger vers son e-boutique le trafic généré par ce buzz constant.
Un coup d’œil sur la collection
Les montres Daniel Wellington sont accessibles à des tarifs compris entre 99 € et 279 € (tous les modèles sont fabriqués en Chine). Il existe 5 800 points de vente dans le monde, parmi lesquels des revendeurs parisiens comme Louis Pion, Le Bon Marché et les Galeries Lafayette. Tysander reste discret sur le chiffre d’affaires, mais celui-ci a été estimé à 70 millions de dollars en 2014. Pour 2015, les estimations passent à 220 millions.
Les trois collections Daniel Wellington, à découvrir sur , se déclinent en cadrans épais (jusqu’à 40 mm, plutôt masculins) ou plus fins (jusqu’à 26 mm, plutôt féminins). Il est possible de choisir un bracelet NATO coloré ou en cuir élégant, noir ou brun. Ces collections sont :
- Classy (cristaux Swarovski pour les heures, boîtier de 26 ou 34 mm)
- Classic (boîtier 6 mm d’épaisseur, entre 36 et 40 mm de diamètre)
- Dapper (chiffres romains, cadran de 34 ou 38 mm)
Pour finir, il faut noter que Tysander sélectionne ses montres avec beaucoup de soin, raison pour laquelle il n’existe à ce jour que trois collections. S’il n’aime pas personnellement un modèle, il ne le lance pas. Une façon de signaler aux fans de la marque qu’ils ne portent que des garde-temps que le fondateur aurait lui-même envie de glisser à son poignet.